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La montée de la violence chez les mineurs en France : causes, enjeux et pistes de réforme

L’augmentation de la violence chez les mineurs en France est un sujet préoccupant qui suscite de nombreux débats. Les récents épisodes de violence à Limoges, Saint-Ouen ou Nîmes, ainsi que la participation croissante de jeunes dans le narcotrafic et les actes violents en milieu urbain, illustrent cette tendance alarmante. Pour mieux comprendre cette problématique, il est essentiel de s’appuyer à la fois sur des analyses expertes et sur une réflexion approfondie des causes sous-jacentes.


Les causes de la violence juvénile : un phénomène multifactoriel


Selon Régis Lemierre, ancien éducateur à la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ), plusieurs facteurs expliquent cette recrudescence de la violence chez les mineurs. D’abord, il souligne que ces actes violents s’inscrivent principalement dans des quartiers où le trafic de drogues se développe, créant un environnement propice à la criminalité. La pauvreté, le chômage et l’exclusion sociale contribuent également à fragiliser ces quartiers, nourrissant un climat de frustration et de colère.


L’un des points que Lemierre évoque avec beaucoup de nuance concerne l’impact de l’immigration, notamment depuis la mise en place du regroupement familial dans les années 1970. Il explique que cette politique a permis l’arrivée de populations souvent peu intégrées, maîtrisant mal la langue et peu familiarisées avec les codes sociaux français. Selon lui, dans certains quartiers, cela a favorisé un laxisme parental, notamment envers les garçons, qui y prennent souvent une place centrale dans les dynamiques familiales. Les rapports de pouvoir au sein de ces familles peuvent renforcer les comportements violents, les garçons ayant parfois tous les droits et une autorité démesurée sur leurs sœurs.


Par ailleurs, la perte d’autorité parentale, liée à des facteurs culturels ou socio-économiques, joue un rôle non négligeable. La difficulté pour certains parents d’imposer leurs règles ou de faire respecter l’autorité contribue à la formation d’un contexte où la violence peut s’épanouir. Lemierre insiste aussi sur le fait que cette violence est souvent perçue comme une forme d’affirmation de soi ou de revanche face à une société perçue comme injuste ou inaccessible.


Le rôle des réseaux sociaux : un accélérateur de violence


Les réseaux sociaux jouent aujourd’hui un rôle central dans la diffusion et la amplification de la violence chez les jeunes. Régis Lemierre évoque leur impact en soulignant qu’ils agissent comme un accélérateur de comportements moutonniers et de contagion. Il rappelle des phénomènes comme le « happy slapping » dans les années 2000, où des jeunes filmaient leurs actes de violence pour ensuite les partager en ligne.


Plus récemment, lors des émeutes de juin 2023, les réseaux sociaux ont été utilisés pour lancer des appels à la violence, participant à la mobilisation de groupes et à la propagation d’un climat de chaos. La viralité de ces contenus rend difficile leur régulation, et leur utilisation par certains groupes pour inciter à la violence pose un défi majeur pour les autorités. La régulation de ces plateformes est donc devenue une nécessité pour limiter leur influence néfaste.


La justice des mineurs : un système obsolète ?


L’ancien éducateur dénonce également l’inefficacité du système judiciaire actuel. Selon lui, le cadre juridique en vigueur, basé sur l’ordonnance de 1945, est totalement dépassé face à la gravité de certains comportements. La philosophie qui sous-tend cette ordonnance privilégie la réinsertion plutôt que la sanction, ce qui, selon Lemierre, ne suffit plus à dissuader les jeunes violents.


Il observe une évolution inquiétante dans le comportement des mineurs, qui manifestent désormais une absence totale d’empathie et de remords. Leur capacité à commettre des actes violents sans émotion ni regret est, selon lui, une caractéristique nouvelle, témoignant d’un changement profond dans leur rapport à la violence et à la victime.


Pour remédier à cela, il prône un renforcement de la justice pénale pour les mineurs, avec des peines plus dissuasives et une application plus ferme des sanctions. L’abaissement de la majorité pénale à 16 ans est selon lui une nécessité, mais doit s’accompagner d’un arsenal juridique dur et efficace, incluant par exemple la révocation du contrôle judiciaire en cas de non-respect.


La nécessité d’une réforme éducative et pédagogique


Au-delà de la réponse pénale, Lemierre insiste sur la nécessité de repenser l’approche éducative. Il déplore que la formation des éducateurs à la PJJ repose encore sur des philosophies déconstructivistes, influencées par des penseurs comme Michel Foucault, qui critique la répression et privilégie la surveillance. Selon lui, cette approche a fragilisé l’autorité éducative, rendant difficile l’exercice d’une discipline ferme mais juste.


Il propose donc de revenir à des méthodes plus traditionnelles, inspirées du comportementalisme anglo-saxon, qui combinent récompenses pour les comportements vertueux et sanctions pour les fautes. Cette approche, plus structurée, pourrait aider à modifier durablement le comportement des jeunes en leur offrant un cadre clair et rassurant.


Perspectives et recommandations


Régis Lemierre invite à une réforme en profondeur du système, en insistant sur plusieurs axes essentiels :


- Renforcer la justice pénale pour les mineurs : sanctions plus dissuasives, application ferme des peines, abaissement de la majorité pénale.

- Repenser la formation des éducateurs : privilégier des profils solides, capables d’incarner une autorité naturelle et de gérer des groupes de jeunes violents.

- Réintroduire une autorité éducative claire : en s’appuyant sur des méthodes comportementales et des principes de discipline structurée.

- Réguler les réseaux sociaux : pour limiter leur impact en tant qu’outil de mobilisation et de contagion de la violence.

- Agir sur les facteurs socio-économiques : lutter contre l’exclusion, favoriser l’intégration et soutenir les familles, notamment monoparentales.


En somme, la lutte contre la violence juvénile nécessite une réponse globale, combinant répression, prévention, éducation et régulation des nouvelles technologies. Il s’agit d’un défi complexe qui demande une volonté politique forte et un changement de paradigme dans la manière d’aborder la jeunesse en difficulté.


Note : Ces analyses s’appuient sur diverses sources, notamment les déclarations de Régis Lemierre et des spécialistes de la jeunesse et de la justice, ainsi que sur l’évolution des politiques publiques en France.*

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